Page:Lettres d’un habitant des Landes, Frédéric Bastiat.djvu/38

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à-tête avec ma bonne tante. Pendant que je suis enfoncé dans mon Shakespeare, elle parle avec l’animation la plus sincère, ayant la complaisance de faire les demandes et les réponses. Mais voici que la femme de chambre, qui se doute que les heures sont longues, se croit obligée de les varier ; elle survient et nous raconte ses tribulations électorales. La pauvre fille a fait de la propagande pour moi : on lui objectait toujours le libre échange ; elle, d’argumenter. Hélas ! quels arguments ; elle me les répète avec orgueil, et pendant qu’elle disserte en jargon basque, patois et français, je me rappelle ce mot de Patru : « Rien de tel qu’un mauvais avocat pour gâter une bonne cause. » Enfin l’heure du souper arrive, chiens et chats font irruptions dans la salle, escortant la garbure. Ma tante entre en fureur. « Maudites bêtes ! s’écrie-t-elle, voyez comme elles s’enhardissent dès que Monsieur arrive ! » Pauvre tante ! cette grande colère n’est qu’une ruse de sa tendresse ; traduisez : voyez comme Frédéric est bon. Je ne dis pas que cela soit, mais ma tante veut qu’on le pense.

Je vous le disais bien, madame, que des lettres du village sont redoutables, nous ne