Page:Lettres d’un habitant des Landes, Frédéric Bastiat.djvu/61

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Retenu pendant ces deux jours, il faudra bien que j’aille, ce soir, chez M. Say, me mêler à mes coreligionnaires. C’est un effort. Vous ne sauriez croire avec quelle vivacité mon indisposition fait renaître en moi mes vieux penchants solitaires, mes inclinaisons provinciales. Une chambre paisible pleine de soleil, une plume, quelques livres, un ami de cœur, une douce affection : c’était tout ce qu’il me fallait pour vivre. En faut-il davantage pour mourir ? Ce peu, je l’avais au village, et quand le temps sera venu dans beaucoup d’années je ne le retrouverai plus.

J’envoie à Mlle  Louise quelques stances sur la femme qui m’ont plu. Elles sont pourtant d’un poëte économiste, car il a été surnommé The free-trade rhymer : le poëte du libre échange. Si j’en avais la force je ferais de cette pièce une traduction libre en prose et en trente pages ; cela ferait bien dans le journal de Guillaumin. Votre chère petite railleuse (je n’oublie pas qu’elle possède au plus haut degré l’art de railler, non-seulement sans blesser, mais presqu’en caressant) n’a pas grande foi dans la poésie industrielle ; elle a bien raison. C’est que j’aurais dû dire Poésie sociale, celle qui désormais, je l’es-