Page:Lettres de Ferragus - La Littérature putride, dans le Figaro du 23 janvier 1868.djvu/7

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M. Jules Claretie avait écrit, lui aussi, son livre de frénésie amoureuse et assassine ; mais il s’est dégoûté du genre après son propre succès, et il a demandé à l’histoire des tragédies plus vraies, des passions plus héroïques et non moins terribles. On meurt beaucoup dans ses Derniers Montagnards, mais avec un cri d’espérance et d’amour pour la liberté ! La rage n’y est pas ménagée mais celle-là rend doux et tolérant !


Quant à Thérèse Raquin, c’est le résidu de toutes les horreurs publiées précédemment. On y a égoutté tout le sang et toutes les infamies : c’est le baquet de la mère Bancal.

Le sujet est simple, d’ailleurs, le remords physique de deux amants qui tuent le mari pour être plus libres de le tromper, mais qui, ce mari tué (il s’appelait Camille), n’osent plus s’étreindre, car voici, selon l’auteur, le supplice délicat qui les attend : « Ils poussèrent un cri et se pressèrent davantage afin de ne pas laisser entre leur chair de place pour le noyé. Et ils sentaient toujours des lambeaux de Camille qui s’écrasaient ignoblement entre eux, glaçant leur peau par endroits, tandis que le reste de leur corps brûlait. »

À la fin, ne parvenant pas à écraser suffisamment le noyé dans leurs baisers, ils se mordent, se font horreur, et se tuent ensemble de désespoir de ne pouvoir se tuer réciproquement.

Si je disais à l’auteur que son idée est immorale, il bondirait, car la description du remords passe généralement pour un spectacle moralisateur ; mais si le remords se bornait toujours à des impressions physiques, à des répugnances charnelles, il