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Page:Lettres de Marie-Antoinette - recueil des lettres authentiques de la reine, éd.La Rocheterie, 1895, Tome I.djvu/130

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Nous partons donc demain 10 pour Choisy et nous en reviendrons le 13, pour aller à Bellevue[1] le 17 et le 18 à Compiègne[2], où nous restons jusqu’au 28 d’août, et de là pour quelques jours à Chantilly[3]. Le Roi a mille bontés pour moi et je l’aime tendrement ; mais c’est à faire pitié la faiblesse qu’il a pour Mme du Barry[4], qui est la plus sotte et impertinente créature qui soit imaginable. Elle a joué tous les soirs avec nous à Marly[5] ; elle s’est trouvée deux fois à côté de moi, mais elle ne m’a point parlé et je n’ai point tâché justement de lier conversation avec elle ; mais, quand il le fallait, je lui ai pourtant parlé.

Pour mon cher mari, il est changé de beaucoup, et tout

    mont. Mais, après la prise de la Bastille, l’ambassadeur, par prudence et dans l’intérêt de la Reine, chaque jour insultée et calomniée sous le nom d'Autrichienne, crut devoir s’éloigner de la cour, et se retira aux environs de Paris, à Chenevières. Il n’en demeura pas moins un des conseillers les plus écoutés de la malheureuse souveraine, et c’est lui, entre autres, qui la décida à entrer en relations avec Mirabeau. Lors même qu’en octobre 1790 il quitta définitivement la France pour résider dans les Pays-Bas autrichiens, où l’appelait la confiance de l’empereur Léopold, il resta en correspondance suivie avec la Reine et fut, avec Breteuil et Fersen, un de ses confidents et de ses agents à l’étranger. Malgré tous ses efforts, il ne put ni la sauver ni la venger. Chargé en dernier lieu d’une mission à Londres, il tomba malade en y arrivant et mourut le 25 août 1794.

  1. Bellevue, construit par Mme de Pompadour et décoré avec la plus grande magnificence par les plus renommés artistes du temps. Louis XVI, à son avènement, en fit présent à ses tantes, Mesdames, qui ne le quittèrent qu’au moment de leur émigration, le 19 février 1791. Le château estaujourd’hui détruit.
  2. Compiègne, autre château royal, complètement rebâti par Louis XV, sur les plans de l’architecte Gabriel. C’est à Compiègne, le 14 mai 1770, que Marie-Antoinette, arrivant d’Allemagne, avait rejoint la famille royale.
  3. Chantilly, la merveilleuse résidence des Condé. Rasé à la Révolution, le château a été réédifié par Mgr le duc d’Aumale, qui l’a légué à l’Institut de France avec ses inestimables collections.
  4. Jeanne Bécu, comtesse du Barry, devenue, par une misérable intrigue, la favorite du Roi ; exilée à la mort de Louis XV, guillotinée le 8 décembre 1793 ; personnage trop connu pour que nous ayons besoin d’insister sur son compte.
  5. Marly, château construit par Louis XIV, aujourd’hui détruit. Les déplacements à Marly étaient fort recherchés — car le Roi n’y emmenait habituellement que peu de monde — et fort coûteux.