Page:Lettres de Marie-Antoinette - recueil des lettres authentiques de la reine, éd.La Rocheterie, 1896, Tome II.djvu/150

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quent pour moi. Pour mon fils, il est encore trop petit et trop étourdi pour bien sentir une séparation.

Guebillon vous dira de ma part la manière de vivre des enfants ; je l’en ai chargé verbalement, car je n’ai pas osé écrire par lui. Ne me répondez pas, à moins d’avoir une occasion sûre et encore n’écrivez que des choses qu’on puisse lire, car on fouille tout le monde et rien n’est sûr. Je n’écris ni ne veux que personne ne m’écrive par la poste, quoique je sache bien que ni moi ni mes amis ne manderons jamais de mal mais je ne veux pas qu’on puisse dire que je reçois des lettres, et qu’après cela on en compose. Dites bien des choses pour moi à M. de Polignac. J’embrasse Mme de Guiche. Dites-lui, je vous prie, que, ne pouvant la voir, j’ai au moins embrassé de bien bon cœur son petit garçon, il y a quelques jours, sur la terrasse. Je n’écris pas à mon frère[1], parce que je compte qu’il n’est plus avec vous. Il est bien essentiel pour vous tous qu’il reste peu dans ce moment en Suisse. Une fois établi à Turin, il ira vous voir quand et comme il voudra. Il est bien essentiel aussi qu’il mande promptement à sa femme de venir à Turin[2]. Elle le désire beaucoup, et c’est le seul endroit où elle puisse être décemment, pendant que ses enfants et son mari ne sont pas ici et qu’on réforme toute leur maison. Adieu, mon cher cœur. Je ne vous parle point d’affaires : elles ne seraient qu’affligeantes pour toutes deux. Enfin, il faut espérer qu’un jour le

  1. Le comte d’Artois avait émigré après le 14 juillet. Sorti par la frontière du Nord, il n’avait pas tardé à rejoindre les Polignac en Suisse. De là il se dirigeait sur Turin, et était en effet déjà en route lorsque la lettre de la Reine parvint à la duchesse de Polignac, ainsi qu’on peut le voir par la lettre du 8 septembre du comte de Vaudreuil au comte d’Artois. – Correspondance inédite du comte de Vaudreuil et du comte d’Artois, publiée par M. L. Pingaud, p. 4.
  2. La comtesse d’Artois partit de Paris le 6 septembre.