Page:Lettres de Marie-Antoinette - recueil des lettres authentiques de la reine, éd.La Rocheterie, 1896, Tome II.djvu/162

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quel peut être le but de tout ceci ? Est-ce pour prouver que les personnes qui visent aux ministères sont bien intentionnées et qu’elles veulent le bien ? assurément ils auront peine à le persuader de cette manière ; ou est-ce pour effrayer et forcer de les prendre ? Je me perds dans les conjectures. C’est à vous, Monsieur le baron, qui êtes plus porté à les pouvoir juger, à m’éclairer. Il est toujours bien essentiel pour moi qu’en persuadant bien au public que je ne dirige pas les choix qu’on fera peut-être, ces personnes-là ne croient point y être venues absolument contre ma volonté. Si M. l’archevêque de Toulouse[1] avait été ici, je vous aurais épargné tout ce bavardage ; je connais votre amitié pour lui, et que vous avez la même manière de penser ; mais j’ai besoin d’avoir quelqu’un qui me conseille, non pas pour faire la moindre chose — je ne le peux pas pour mille raisons, — mais pour régler mes idées dans ma tête. Je m’adresse à vous, Monsieur le baron, avec la confiance que votre caractère m’a toujours inspirée. Je vous prie de brûler ma lettre tout de suite, j’en ferai autant pour la vôtre ; et, si vous venez chez moi, je n’aurai pas l’air de vous parler plus qu’aux autres. Prudence, patience, sont mon sort, surtout courage, et je vous assure qu’il en faut bien davantage pour supporter les peines de tous les jours que les dangers de la nuit du 5. Recevez les assurances de toute mon estime.

Ce mercredi, à 6 heures du soir.

  1. Mgr François de Fontanges, successivement aumônier de la Dauphine, évêque de Nancy, archevêque de Bourges et de Toulouse, député du clergé de Toulouse aux États généraux. La Reine avait grande confiance en lui, et il fut mêlé plus tard aux négociations de la cour avec Mirabeau. Il mourut évêque d’Autun, le 26 janvier 1806.