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Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/316

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sentais que je le calmais et le consolais un peu. Hélas ! il n’est que trop vrai, tout mortel est chargé de sa propre douleur.

Je vous verrai quand vous pourrez ; ce sera en passant, en courant, et je vous serai obligée de tout ce que vous ferez : je ne me plaindrai jamais. Je serai cette bonne brebis ; elle ne vous redemandera pas si vous avez reçu des lettres de Bordeaux, elle ne regrettera pas que vous ayez oublié cette lettre qui est restée avec celles que vous avez reçues dimanche de tout l’univers : enfin cette brebis sera un peu bête ; on la tondra jusqu’au vif, sans qu’il lui échappe un cri. Eh ! bientôt on oubliera qu’elle souffre et qu’elle est victime ! cela sera dans l’ordre. Bonjour, êtes-vous content ? Êtes-vous mort de fatigue ? Je me ravise : je vais envoyer ma lettre au chevalier qui la gardera peut-être dans sa poche. Il n’y a donc point encore d’éloge de Catinat ? J’ai fait le sacrifice du mien à la plus excellente des femmes.



LETTRE CXXV

1775.

Mon ami, c’est moi. J’ai besoin d’occuper votre pensée une minute, et vous ne me l’auriez pas donnée de votre mouvement. Que de billets, que de gens qui vous demandent, qui vous attendent ! Je veux percer la foule, et je n’y veux pas rester. M’y laisseriez-vous, mon ami ? Non, vous savez bien que je ne suis pas comme tout le monde. Je vous hais, je vous aime, je