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Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/349

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assez raisonnable pour faire semblant de ne pas souffrir lorsque je me sentirai déchirée. Adieu, mon ami. Il me semble que je me sépare de vous pour longtemps, et cette séparation me fait plus de mal que lorsque vous êtes là, et que vous me dites adieu : alors il n’y a que cet instant pour moi, je vis de toute ma force dans un point ; mais aujourd’hui il n’en est pas de même, je me sens triste, abattue, j’ai la privation de vous, de votre lettre, et je vois encore demain et après ! Ah ! cet avenir sera bien long ! Adieu, adieu.



LETTRE CXXXIX

Mardi au soir, 24 octobre 1775.

Les oracles avaient cessé, parce qu’ils craignaient de parler aux échos. Ma dernière lettre est de vendredi l’après-dîner : j’avais jugé que vous partiriez dimanche ou lundi ; aujourd’hui j’imagine que vous attendrez l’arrivée de M. de Saint-Germain qu’on attend mercredi ou jeudi. C’est un homme isolé : il est arrivé là sans intrigue ; on doit croire qu’il ne voudra que le bien, s’il fait des réformes et des changements. Il aura la confiance du militaire, parce qu’on sait qu’il est instruit, et qu’il a une grande expérience. Personne ne peut mieux que lui faire usage de vos talents, vous mettre en activité ; d’ailleurs il faut penser à vous. Ne m’avez-vous pas dit qu’il était prévenu pour vous d’un grand intérêt ? Il ne faut pas tourner le dos à la fortune.

J’ai reçu vos lettres de vendredi et de dimanche ;