LETTRE CLXXVI
Ce n’est ni votre faute ni la mienne, mon ami, si vous n’avez pas eu de mes nouvelles à Versailles. J’ai reçu votre billet ce matin à onze heures ; il n’était plus temps, et comme j’imagine que vous irez chez vous avant que de venir chez moi, je me presse de vous remercier de votre soin si aimable, si plein de bonté. Votre intérêt me touche si fort, que je suis désolée de ne pas pouvoir le contenter en vous disant que je suis mieux ; mais il n’y a pas moyen, j’ai toussé hier à en mourir. J’ai eu la fièvre assez forte cette nuit pour avoir mes idées un peu plus brouillées et plus égarées que jamais ; et ce matin, à onze heures, j’ai vu mon médecin, qui m’a trouvé plus de fièvre que je n’en ai ordinairement à cette heure-là : c’est une fièvre d’irritation ; ma poitrine et mes entrailles sont encore plus allumées et plus agitées que mon âme. Mais, mon ami, je vous aime ; et si vous me répondez, j’aurai la force du martyr : je souffrirai, je préférerai mes maux au bonheur de tout ce qui existe. Je viens de recevoir un billet bien aimable de l’archevêque de Toulouse ; mais il m’inquiète, quoiqu’il ne soit pas inquiet, au moins à ce qu’il me dit : il a craché du sang hier. Bordeu dit que c’est de la gorge ; mais est-il naturel de cracher du sang, surtout lorsqu’on est au lait pour toute nourriture, et que l’on prend une fois par jour du lait d’ânesse ? j’ai peur que cela ne finisse mal. Mon Dieu qu’il y a loin de ce que j’aime, de ce qui m’in-