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Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/9

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MADEMOISELLE DE LESPINASSE
par sainte-beuve


En parlant une fois avec intérêt de Mme du Deffand, je ne me suis pas interdit pour cela de m’occuper une autre fois de Mlle de Lespinasse. Le critique ne doit point avoir de partialité et n’est d’aucune coterie. Il n’épouse les gens que pour un temps, et ne fait que traverser les groupes divers sans s’y enchaîner jamais. Il passe résolument d’un camp à l’autre ; et de ce qu’il a rendu justice d’un côté, ce ne lui est jamais une raison de la refuser à celui qui est vis-à-vis. Ainsi, tour à tour, il est à Rome ou à Carthage, tantôt pour Argos et tantôt pour Ilion. Mlle de Lespinasse, à un certain moment, s’est brouillée à mort avec Mme du Deffand, après avoir vécu dix années dans l’intimité avec elle. Les amis furent forcés alors d’opter entre l’une ou l’autre de ces rivales déclarées, et il n’y eut moyen pour aucun de se maintenir auprès de toutes les deux. Pour nous, nous n’avons pas à opter : nous avons paru rester très attaché et très fidèle à Mme du