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Page:Lettres portugaises, éd. Piedagnel, 1876.djvu/104

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LETTRES PORTUGAISES

passion à ma fortune, à ma gloire et à ma vie ; mais je supporterois plus aisément les assurances de votre haine que les fausses apparences de votre amour. Ce n’est point au dehors que je m’arrête, c’est aux sentimens de l’âme : soyez froid, soyez négligent, soyez même léger si vous le pouvez, mais ne soyez jamais dissimulé. La trahison est le plus grand crime qu’on puisse commettre contre l’amour, et je vous pardonnerois plus volontiers une infidélité que le soin que vous prendriez à me la déguiser. Vous me dites hier au soir de grandes choses, et j’aurois souhaité que vous eussiez pu vous voir vous-même dans ce moment comme je vous voyois : vous vous seriez trouvé tout autre qu’à votre ordinaire. Votre air étoit encore plus grand qu’il ne l’est naturellement ; votre passion brilloit dans vos yeux, et elle les rendoit plus tendres et plus perçans. Je voyois que votre cœur venoit sur vos lèvres. Hélas ! que je suis heureuse, il n’y venoit point à faux ! car enfin je ne vous sens que trop, et il n’est guère en mon pouvoir de vous sentir moins. Le plaisir d’aimer de toute mon âme est un bien que je tiens de vous ; mais il ne vous est