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LETTRES PORTUGAISES

mais je ne connoissois point le caractère que cette passion prenoit dans votre cœur. Ç’auroit été trahison que de m’en laisser douter plus longtemps, et je ne puis m’empêcher de vouloir du bien à votre injustice, puisqu’elle m’a fait faire une découverte si importante. Je vous avois voulu jaloux, je vous l’ai trouvé ; mais renoncez à votre jalousie, comme je renonce à ma curiosité. Quelque figure que prenne un amant, il n’y en a point de si avantageuse pour lui que celle d’un amant heureux. C’est une grande erreur de dire qu’un amant est sot quand il est content. Ceux qui ne sont pas aimables sous cette forme le seroient encore moins sous une autre ; et quand on n’a pas assez de délicatesse pour profiter du caractère d’un amant satisfait, c’est la faute du cœur et non pas celle de la félicité. Hâtez-vous de venir me confirmer cette vérité, mon cher, je vous en prie. Je ne serois pas si peu délicate que d’en retarder l’instant par une si longue lettre si je ne savois que vous ne pouvez me voir à l’heure que je vous écris. Quelque plaisir que je trouve à vous entretenir de cette sorte, je sais bien lui préférer celui d’un autre entretien. Il n’y a que moi qui goûte le