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LETTRES PORTUGAISES

mieux que l’état où vous m’avez réduite ? Adieu, je voudrois bien ne vous avoir jamais vu. Ah ! je sens vivement la fausseté de ce sentiment, et je connois, dans le moment que je vous écris, que j’aime bien mieux être malheureuse en vous aimant que de ne vous avoir jamais vu. Je consens donc sans murmure à ma mauvaise destinée, puisque vous n’avez pas voulu la rendre meilleure. Adieu, promettez-moi de me regretter tendrement, si je meurs de douleur, et qu’au moins la violence de ma passion vous donne du dégoût et l’éloignement pour toutes choses. Cette consolation me suffira, et s’il faut que je vous abandonne pour toujours, je voudrois bien ne vous laisser pas à une autre. Ne seriez-vous, pas bien cruel de vous servir de mon désespoir pour vous rendre plus aimable, et pour faire voir que vous avez donné la plus grande passion du monde ? Adieu encore une fois. Je vous écris des lettres trop longues : je n’ai pas assez d’égard pour vous ; je vous en demande pardon, et j’ose espérer que vous aurez quelque indulgence pour une pauvre insensée, qui ne l’étoit pas, comme vous savez, avant qu’elle vous aimât. Adieu. Il me semble que je vous parle trop souvent de