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LETTRES PORTUGAISES

cependant que vous sachiez que je me sens, depuis quelques jours, en état de brûler et de déchirer ces gages de votre amour, qui m’étoient si chers ; mais je vous ai fait voir tant de foiblesse, que vous n’auriez jamais cru que j’eusse pu devenir capable d’une telle extrémité. Je veux donc jouir de toute la peine que j’ai eue à m’en séparer, et vous donner au moins quelque dépit. Je vous avoue, à ma honte et à la vôtre, que je me suis trouvée plus attachée que je ne veux vous le dire à ces bagatelles, et que j’ai senti que j’avois un nouveau besoin de toutes mes réflexions pour me défaire de chacune en particulier, lors même que je me flattois de n’être plus attachée à vous ; mais on vient à bout de tout ce qu’on veut avec tant de raisons. Je les ai mises entre les mains de Dona Brites. Que cette résolution m’a coûté de larmes ! Après mille mouvements et mille incertitudes que vous ne connoissez pas, et dont je ne vous rendrai pas compte assurément, je l’ai conjurée de ne m’en parler jamais, de ne me les rendre jamais, quand même je les demanderois pour les revoir encore une fois, et de vous les renvoyer enfin sans m’en avertir.