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LETTRES PORTUGAISES

cherche, sans aucune envie de les rencontrer, ne servent qu’à lui faire bien connoître que rien ne lui est si cher que le souvenir de ses douleurs ? Pourquoi m’avez-vous fait connoître l’imperfection et le désagrément d’un attachement qui ne doit pas durer éternellement, et les malheurs qui suivent un amour violent lorsqu’il n’est pas réciproque ? Et pourquoi une inclination aveugle et une cruelle destinée s’attachent-elles, d’ordinaire, à nous déterminer pour ceux qui seroient sensibles pour quelque autre ?

Quand même je pourrois espérer quelque amusement dans un nouvel engagement, et que je trouverois quelqu’un de bonne foi, j’ai tant de pitié de moi-même que je ferois beaucoup de scrupule de mettre le dernier homme du monde en l’état où vous m’avez réduite ; et quoique je ne sois pas obligée à vous ménager, je ne pourrois me résoudre à exercer sur vous une vengeance si cruelle, quand même elle dépendroit de moi par un changement que je ne prévois pas.

Je cherche dans ce moment à vous excuser, et je comprends bien qu’une religieuse n’est guère aimable d’ordinaire. Cependant il semble que si on étoit capable de raisonner sur les choix qu’on