Page:Lettres portugaises, éd. Piedagnel, 1876.djvu/82

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
64
LETTRES PORTUGAISES

noces que vous deviez me donner la douleur que je ressens. Je hais celui qui a inventé la danse, je me hais moi-même, et je hais la Françoise mille fois plus que tout le reste ensemble ; mais de tant de haines différentes, aucune n’a eu l’audace d’aller jusques à vous. Vous me paroissez toujours aimable. Sous quelque forme où je vous regarde, et jusques aux pieds de cette cruelle rivale qui vient troubler toute ma félicité, je vous trouvois mille charmes qui n’ont jamais été qu’en vous. J’étois même si sotte que je ne pouvois m’empêcher d’être ravie qu’on vous les trouvât comme moi ; et bien que je sois persuadée que c’est à cette opinion que je devrai peut-être la perte de votre cœur, j’aime mieux me voir condamnée à cet abîme de désespoir que de vous souhaiter une louange de moins. Mais comment est-ce que l’amour peut faire pour accorder tant de choses opposées ? Car il est certain qu’on ne peut pas avoir plus de jalousie pour tout ce qui vous approche que j’en ai, et cependant j’irois au bout du monde vous chercher de nouveaux admirateurs. Je hais cette Françoise d’une haine si acharnée, qu’il n’y a rien de si cruel que je ne me croie