Page:Leury - Histoire de Rouyn.djvu/112

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L’entreprise pouvait être hasardeuse, mais un si bel de désintéressement l’avait marqué qu’elle méritait de réussir, comme elle l’a fait. Les Directeurs de la Cie de Publication de Rouyn, qui édite le journal, ne voulaient qu’une chose, doter les pays neufs d’une feuille non seulement de langue française, mais d’esprit français. Dans leur intention, la Frontière devait être une œuvre plutôt qu’une affaire commerciale. Pour en assurer le succès, il l’établirent, sans doute sur une base d’affaires, mais ils s’entendirent, bien que de croyances politiques différentes, pour qu’elle ait un caractère d’indépendance et s’applique à travailler avant tout dans le domaine national.

Quiconque connait le Nord-Ouest Québécois et, partiellement, les villes qu’a fait surgir et que fait encore surgir l’industrie minière, comprend cet état d’esprit des fondateurs du journal. Les pays neufs, Rouyn, Noranda, Cadillac, O’Brien, Roc d’Or, Malartic, Val d’Or, Bourlamaque et Perron, s’ils ont une forte proportion de langue française avec un faible élément de langue anglaise, n’en sont pas moins comme la terre promise des étrangers, des « foreigners ». On y rencontre à peu près toutes les races que l’immigration a laissé pénétrer au Canada. De sorte qu’avec la présence de deux journaux anglais, l’un publié à Rouyn, l’autre à Val d’Or, et à cause du faible pouvoir d’assimilation qui caractérise malheureusement les Canadiens Français, lentement, mais sûrement se produisait dans la région ce curieux phénomène, la minorité assimilait la majorité. C’était plus visible, de jour en jour, le visage anglais qui se dessinait partout. C’était, avec une assurance sans cesse grandissante, l’esprit anglais qui menaçait de prédominer dans la plus riche région de la seule province du pays.

Une réaction s’imposait donc ; La Frontière est née de ce besoin de réaction.

En voilà suffisamment pour dire et son caractère et son rôle. Mais on se trompe si l’on croit qu’elle donne dans cet espèce de « ultra nationalisme » qui prend plaisir à rechercher de vaines chicanes de races. La région qu’elle couvre est, à la fois, une terre d’aventure et de liberté. Peut-être, plus que partout ailleurs dans la Province, le soleil brille ici pour tout le monde. La Frontière le sait et elle ne s’oppose en aucune façon à cette largeur de vue