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Page:Level - L’Épouvante, 1908.djvu/136

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L’ÉPOUVANTE

Dans la chambre sinistre, il avait été sur le point de raconter sa rencontre, sa visite mystérieuse, et puis, réfléchissant à tout ce qu’il perdrait ainsi, il s’était tu. Maintenant il sentait quelque chose de formidable peser sur lui. Ne s’était-il pas fait, en quelque sorte, le complice des assassins ? Un jour, demain peut-être, il lui faudrait répondre devant les juges de tout cela ! Mais aussi, quel succès de journaliste ! Quelle enquête ! Quelles pages cinglantes à écrire ! Les seuls crimes qui fussent capables de bouleverser sa conscience étaient les crimes contre les hommes : le crime contre les institutions et les lois, lesquelles ne sont, en somme, que la codification des préjugés, le laissait indifférent. Condamné à une amende ou à quelques jours de prison pour s’être moqué de la justice, il ne s’en estimerait pas moins, et il serait toujours temps, alors, de dire ce qu’il avait vu, ce qu’il savait, puisque aussi bien, il n’avait pas la moindre part de responsabilité dans la mort du pauvre vieux, et qu’à l’heure où il était entré dans la chambre tout était fini. Restait la vindicte publique… Mais qui sait, si pour l’avoir cette fois retardée, il n’allait pas