Page:Level - L’Épouvante, 1908.djvu/229

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
224
L’ÉPOUVANTE

fois l’homme leva les yeux. Alors, une sueur glacée descendit entre ses épaules. Le doute n’était plus possible. Cet homme attendait, guettait quelqu’un, et ce quelqu’un, c’était lui !… Il voulut chasser cette pensée absurde, mais il ne pouvait plus en détacher son esprit, et de nouveau les visions de lutte, qui l’avaient assailli tout à l’heure, s’étalèrent devant lui.

À l’heure des pires dangers, l’homme sentant sa faiblesse, redevient enfant. L’état du premier âge laisse en nous une trace si profonde, qu’elle reparaît aussitôt que notre raison, notre intelligence acquises, fléchissent. La raison de Coche, épuisée par les transes de la nuit se troublait insensiblement. Sa crainte se muait en une sorte d’hébétement si complet qu’il en arrivait à croire que tout n’était qu’illusion, fantaisie. Et dans cette minute poignante, il se mit à jouer involontairement au coupable, comme lorsqu’il était petit, il jouait tout seul à la guerre, à la chasse, à la fois général et soldat, chasseur et gibier, éprouvant tour à tour toutes les émotions, s’effrayant du bruit de sa voix et de la fureur de son geste, mimant pour un spectateur imaginaire