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IV

juste. Il faut la proposer comme un exemple et un enseignement. Né de parents sans fortune, il fut pauvre comme eux et lutta vainement contre les rigueurs du sort : il resta constamment dans cet état précaire et pénible où s’éprouvent les natures bien trempées. Élevé à l’école de l’adversité, il y apprit ce que la prospérité n’enseigne point, la patience courageuse, qui est l’héroïsme et la vertu des forts. Il était le quatrième enfant d’une famille nécessiteuse, dont les ressources ne pouvaient suffire aux frais d’une éducation régulière. La sienne pourtant ne fut pas négligée ; mais elle resta forcément incomplète.

Cervantes ne passa point par tous les exercices scolaires que les fils de famille suivaient alors, pour en tirer vanité sinon beaucoup de profit. Les titres académiques n’étaient pas cependant inaccessibles au mérite ; mais on pouvait y prétendre sans mérite, et qui pouvait les payer était sûr de les obtenir. Cervantes ne le pouvait pas, et il dut s’en passer.

De là cette qualification ridicule de génie laïque, ingenio lego que lui donnèrent quelques pédants envieux, docteurs, licenciés et petits bacheliers de Salamanque, à qui leurs diplômes n’avaient pas conféré ce qui ne se peut acheter : l’esprit et le talent. Le chroniqueur Tomas Tamayo de Vargas, qui nous a transmis cette particularité, observe judicieusement que Cervantes eut cela de commun avec don Iñigo Lopez de Mendoza, marquis de Santillane, don Antonio Hurtado de