Aller au contenu

Page:Levoyageauparnas00cerv.djvu/270

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 84 —

retard à affronter l’inévitable entreprise. Il monta donc sur un rocher qui se trouvait en face de l’escadron, et d’une voix grave et sonore, il leur débita ce discours improvisé :

« Ô heureux génies, qui avez le secret du parler élégant, et la subtilité de la science la plus profonde ; vous qui êtes les représentants de la belle poésie, dans toute sa beauté et dans toute sa grandeur, ne souffrez point, par ma vie et par la vôtre (voyez avec quelle bonhomie Apollon vous harangue), que cette canaille obstinée remporte la victoire. J’entends cette canaille endiablée, si fière de son nombre, qu’elle prépare à coup sûr sa ruine ou la nôtre. Ô vous, gloire et lumière de mes yeux, phares permanents de mes clartés, soit par nature, soit par habitude ; pouvez-vous supporter l’impudente audace de cette racaille hypocrite, de cette cohue de charlatans, qui ont inventé tant de sottises ? Faites preuve de votre grand courage et montrez par leur châtiment que vous êtes dignes en cette mémorable conjoncture, de la gloire la plus éclatante. Armez vos cœurs d’une juste indignation, attaquez sans peur la tourbe insolente, oisive, vagabonde et inutile. N’estimez pas à la valeur d’une bourbe (monnaie de Berberie, de bas aloi), cette multitude qui vient troubler notre paix. Que le bruit retentissant du tambour, et le son aigu du fifre et l’éclat de la trompette, qui provoque la bile et précipite le phlegme, que les cris belliqueux réveillent votre courage endormi, dans ce moment pour nous si critique. J’en-