leurs espérances et leurs mécomptes, tout cela est heureusement reproduit, et parfois exprimé en très-beaux vers.
Quant à la partie morale, c’est partout cette fierté d’âme, ce caractère indépendant, cette nature aimante, ce cœur généreux, cet amour du bien et de la liberté, en un mot, tous les nobles sentiments qui animèrent Cervantes tout le temps qu’il fut esclave. On y trouve aussi un souvenir de reconnaissance pour ces frères de la Merci, la providence des captifs, dont la mission était sacrée, et les services si précieux. Cervantes, qui figure dans sa pièce sous le nom de Saavedra, loue la conduite exemplaire de fray Juan Gil, son bienfaiteur, et la charité sublime de ce frère George de Olivar qui, après avoir épuisé toutes ses ressources, se fit esclave pour racheter des captifs. Un bel endroit de cette comédie, c’est le portrait des Espagnols, dont il dit entre autres choses : « qu’ils vivent pour l’honneur, qu’ils tiennent fidèlement la parole donnée, et que leur âme est ardente, indomptable, emportée dans le bien comme dans le mal. » Le succès de cette pièce fut éclatant. Celui de Numance le fut de même.
Cette tragédie est le récit du siége mémorable que soutint Numance contre les Romains. Mettre un pareil sujet sur la scène, c’était réveiller les plus beaux souvenirs de l’antique gloire nationale. La tragédie n’est pas parfaite : elle a même de grands défauts ; mais elle offre aussi des scènes admirables, des peintures merveilleuses de vérité, et à chaque