Page:Levoyageauparnas00cerv.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
XLIII

pour effet d’atténuer les rigueurs de la censure.

Vers la même époque, Cervantes s’occupait de préparer, pour les donner au public, ses Nouvelles morales, ou exemplaires, genre nouveau en Espagne, parfaitement inconnu jusqu’alors, et dont il se vantait à bon droit d’être l’inventeur. Elles parurent au nombre de douze, au mois d’août 1612, avec une dédicace au comte de Lémos, qui est un morceau admirable de sentiment et de style.

Dans sa détresse, Cervantes avait besoin d’un Mécène, et d’un Mécène plus généreux que ne l’avait été celui à qui fut dédié Don Quichotte ; et quoique les libéralités du vice-roi de Naples fussent assez mesquines, il lui en conserva une reconnaissance très-vive.

Ce n’est pas ici le lieu d’apprécier ce recueil de nouvelles, qui furent écrites à des époques diverses, et la plupart pendant que l’auteur résidait à Séville. Il suffit de dire pour le moment qu’elles sont peut-être l’œuvre la plus achevée de Cervantes, qu’elles lui valurent de la part du célèbre Tirso de Molina le surnom de Boccace espagnol, et que dans ce genre de littérature l’Espagne n’a jusqu’ici rien produit qui leur soit comparable. Lope de Véga, jaloux du grand succès qu’elles obtinrent, voulut les surpasser ; mais il échoua dans cette entreprise, et ses nouvelles manquent absolument des qualités qu’il avait reconnues avec peine dans celles de son rival, l’esprit et le style (no le faltó gracia ni estilo).

En 1614, Cervantes, toujours poëte, mal-