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LIII

les débris de l’ancienne gloire. N’est-ce pas assez que la littérature espagnole ait perdu la tradition des grands modèles ? et faut-il encore laisser profaner les monuments qui rappellent aux yeux leur mémoire ?

XIII

Cervantes mourut obscur et pauvre. Il fut bientôt oublié. Ce ne fut qu’au milieu du dix-huitième siècle qu’on songea à l’admirer. Alors seulement on fit des recherches sur les particularités de sa vie et de ses ouvrages. Mais une si longue incurie avait produit ses effets, et il a fallu du temps et du travail pour les réparer incomplètement. Il y avait deux portraits de Cervantes, dus à deux peintres également illustres, Francisco Pacheco et Juan de Jaúregui, célèbres l’un et l’autre par leur talent poétique et leur amour des lettres. Une copie seule en a été conservée : elle s’accorde d’ailleurs avec la description que Cervantes lui-même a faite de sa personne, dans le prologue de ses Nouvelles :

« Celui que tu vois représenté ici, dit-il, avec un visage aquilin, les cheveux châtains, le front lisse et découvert, les yeux vifs, le nez recourbé, quoique bien proportionné, la barbe d’argent (il n’y a pas vingt ans qu’elle était d’or), la moustache grande, la bouche petite, les dents peu nombreuses, car il ne lui en reste que six, encore en fort mauvais état, le corps entre les deux extrêmes, ni grand ni petit, le teint