Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/137

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Surpris, terrifié et suffoqué, le scélérat n’était nullement de force à lutter contre moi. Je le terrassai ; je le serrai plus fort que jamais ; et tandis que je le tenais immobile sur le plancher, Marguerite, lui arrachant le poignard de la main, le lui plongea à plusieurs reprises dans le cœur jusqu’à ce qu’il expirât. Cet acte horrible, mais nécessaire, ne fut pas plus tôt accompli, que Marguerite me dit de la suivre.

« La fuite est notre seul refuge, » dit-elle, « vite ! vite ! partons ! »

« Je n’hésitai pas à lui obéir ; mais ne voulant pas laisser la baronne victime de la vengeance des voleurs, je la pris dans mes bras, encore assoupie, et je me hâtai de suivre Marguerite. Les chevaux des brigands étaient attachés près de la porte ; ma conductrice sauta sur l’un d’eux, j’imitai son exemple ; je mis la baronne devant moi, et je piquai des deux. Notre seul espoir était d’atteindre Strasbourg, qui était beaucoup plus près que n’avait dit le perfide Claude. Marguerite connaissait bien la route et galopait devant moi. Nous fûmes obligés de passer à côté de la grange où les brigands assassinaient nos domestiques. La porte était ouverte : nous distinguâmes les cris des mourants et les imprécations des meurtriers. Ce que j’éprouvai en ce moment est impossible à décrire.

« Jacques entendit les pas des chevaux, comme nous galopions près de la grange : il courut à la porte, une torche enflammée à la main, et reconnut aisément les fugitifs.

« Trahis ! trahis ! » cria-t-il à ses compagnons.

« Aussitôt ils laissèrent leur sanglante besogne, et s’empressèrent d’aller à leurs chevaux. Nous n’entendîmes rien de plus. Je plongeai mes éperons dans les flancs de