Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/159

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

baron vraiment y ajoute foi lui-même, et, quant à ma tante, qui est naturellement portée au merveilleux, elle douterait plutôt de la vérité de la Bible que de la nonne sanglante. Vous raconterai-je cette histoire ? »

« Je répondis qu’elle m’obligerait beaucoup en le faisant ; elle reprit donc son dessin, et poursuivit en ces termes, d’un ton de gravité burlesque :

« Il est surprenant que dans aucune des chroniques des temps passés il ne soit fait mention de ce remarquable personnage. Je voudrais bien vous dire sa vie ; malheureusement ce n’est que depuis sa mort qu’on a connu son existence. C’est alors pour la première fois qu’elle a jugé nécessaire de faire du bruit dans le monde, et, dans cette intention, elle s’est permis de s’emparer du château de Lindenberg. Comme elle a bon goût, elle s’est logée dans la plus belle pièce de la maison, et, une fois installée là, elle s’est amusée à faire danser les tables et les chaises au beau milieu de la nuit. Peut-être avait-elle des insomnies ; mais ceci, je n’ai pas été à même de le vérifier. Suivant la tradition, ce divertissement a commencé il y a environ cent ans ; il était accompagné de cris, de hurlements, de gémissements, de jurements, et de beaucoup d’autres agréables bruits de même espèce ; mais, bien qu’une pièce particulière fût plus spécialement honorée de ses visites, elle ne s’y renfermait pas tout à fait ; de temps en temps elle s’aventurait dans les vieilles galeries, elle allait et venait dans les vastes salles, ou parfois, s’arrêtant aux portes des chambres, elle y pleurait et se lamentait, au grand effroi de leurs habitants. Dans ses excursions nocturnes, elle a été vue par différentes personnes, qui décrivent son extérieur tel que vous le voyez ici tracé par la main de son indigne historien. »