Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/177

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tachée de sang, et elle avait eu soin de se munir d’une lampe et d’un poignard. Elle s’avança vers le lieu où je me tenais. Je volai à sa rencontre, et la pris dans mes bras.

« Agnès ! » dis-je en la pressant contre mon cœur,

« Agnès ! Agnès ! tu es à moi ! Agnès ! Agnès ! je suis à toi ! Tant que le sang coulera dans mes veines, tu es à moi ! Je suis à toi ! À toi mon corps ! à toi mon âme ! »

« Effrayée, hors d’haleine, elle ne pouvait parler. Elle laissa tomber sa lampe et son poignard, et s’affaissa sur mon sein en silence. Je la soulevai dans mes bras et la portai à la voiture. Théodore devait rester derrière, afin de relâcher dame Cunégonde. Il était chargé aussi d’une lettre pour la baronne, où j’expliquais toute l’affaire et où je la suppliais d’intervenir pour obtenir le consentement de don Gaston à mon mariage avec sa fille. Je lui découvrais mon véritable nom. Je lui prouvais que ma naissance et mes espérances justifiaient mes prétentions à la main de sa nièce, et je lui protestais que, s’il n’était pas en mon pouvoir de répondre à son amour, je m’efforcerais sans relâche de conquérir son estime et son amitié.

« Je montai dans la voiture, où Agnès était déjà. Théodore ferma la portière, et les postillons partirent. D’abord je fus charmé de la rapidité de notre course ; mais dès que nous ne fûmes plus en danger d être poursuivis, je les appelai et leur ordonnai de ralentir le pas. Ils essayèrent en vain de m’obéir : les chevaux méconnaissaient le frein, et continuaient de courir avec une vitesse étonnante. Les postillons redoublèrent d’efforts pour les arrêter ; mais, à force de ruades et de soubresauts, les chevaux ne furent pas longs à se délivrer de cette contrainte. J’entendis de grands cris : les postillons avaient été pré-