Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/179

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personne quand ils arrivèrent, et ils avaient perdu bien du temps avant de parvenir à me rendre à la vie. Inquiet au delà de toute expression sur le sort de ma compagne, je suppliai ces paysans de se disperser à sa recherche. Je leur décrivis son costume, et promis d’immenses récompenses à celui qui m’en donnerait quelques nouvelles. Quant à moi, il m’était impossible de m’associer à leurs perquisitions : dans ma chute, je m’étais enfoncé deux côtes, mon bras droit démis pendait sans mouvement à mon côté, et le gauche était si cruellement endommagé, que je n’espérais pas en pouvoir jamais recouvrer l’usage.

« Les paysans consentirent à ma demande ; ils me laissèrent tous, à l’exception de quatre qui firent une litière de branchages et s’apprêtèrent à me porter à la ville voisine. Je m’enquis de son nom : j’appris que c’était Ratisbonne, et je pus à peine me persuader que j’eusse fait tant de chemin en une nuit. Je dis aux villageois qu’à une heure du matin j’avais passé par le village de Rosenwald. Ils secouèrent la tête d’un air pensif, et se firent signe l’un à l’autre qu’assurément j’avais le délire. On fit venir un chirurgien, qui me remit le bras avec succès ; puis il examina mes autres blessures, et me dit de n’avoir aucune appréhension de leurs suites : mais il m’ordonna de me tenir tranquille, et de me préparer à une cure ennuyeuse et pénible. Je lui répondis que pour espérer que je fusse tranquille, il fallait d’abord tâcher de me procurer des nouvelles d’une dame qui avait quitté Rosenwald avec moi la nuit précédente, et qui était à mon côté quand la voiture s’était brisée. Il sourit, et ne me répliqua qu’en me recommandant d’avoir l’esprit en repos, attendu qu’on aurait de moi tout le soin convenable. Comme il me quittait, l’hôtesse le rencontra à la porte de la chambre.