Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/18

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femmes : ceux-ci par curiosité d’entendre un si fameux prédicateur ; ceux-là faute de meilleure distraction avant l’heure de la comédie ; d’autres encore, parce qu’on leur avait assuré qu’il n’était pas possible de trouver des places dans l’église ; enfin la moitié de Madrid était venue dans l’espoir d’y rencontrer l’autre. Les seules personnes qui eussent réellement envie d’entendre le sermon, étaient quelques dévotes surannées, et une demi-douzaine de prédicateurs rivaux, bien déterminés à le critiquer et à le tourner en ridicule. Quant au reste des assistants, le sermon aurait pu être supprimé sans qu’ils fussent désappointés, et même très probablement sans qu’ils s’aperçussent de la suppression.

Quoi qu’il en soit, il est certain du moins que jamais l’église des Capucins n’avait reçu une plus nombreuse assemblée. Tous les coins étaient remplis, tous les sièges étaient occupés ; même les statues qui décoraient les longues galeries avaient été mises à contribution : des enfants s’étaient suspendus aux ailes des chérubins ; saint François et saint Marc portaient chacun un spectateur sur leurs épaules, et sainte Agathe se trouvait avoir double charge. Aussi, malgré toute leur diligence, nos deux nouvelles venues, en entrant dans l’église, eurent beau regarder alentour : pas une place.

Néanmoins la vieille continua d’avancer. En vain des exclamations de mécontentement s’élevaient contre elle de tout côté ; en vain on l’apostrophait avec — « Je vous assure, señora, qu’il n’y a pas de place ici. » — « Je vous prie, señora, de ne pas me pousser si rudement. » — « Señora, vous ne pouvez pas passer par ici. Mon Dieu ! comment peut-on être si peu sans gêne ! » la vieille était obstinée, et elle allait toujours. À force de persévérance, et grâce à deux bras musculeux, elle s’ouvrit un pas-