Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/192

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lance dans le feu, et les flammes reculent à mon approche ; je m’expose à la fureur des brigands, et leurs armes s’émoussent et se brisent sur mon sein ; le tigre affamé tremble à ma vue, et l’alligator s’enfuit devant un monstre plus affreux que lui. Dieu m’a scellé de son sceau, et toutes ses créatures respectent cette marque fatale. »

« Il mit la main au velours qui entourait sa tête. Il y avait dans ses yeux une expression de fureur, de désespoir et de malveillance qui me frappa d’horreur au fond de l’âme ; une convulsion irrésistible me fit frisonner. L’étranger s’en aperçut.

« Telle est la malédiction qui pèse sur moi, ? » continua-t-il : « je suis condamné à inspirer la terreur et l’aversion à tous ceux qui me voient ; déjà vous sentez l’influence du charme, et d’instants en instants vous la sentirez davantage. Je n’ajouterai pas à vos maux par ma présence : adieu, jusqu’à samedi ; aussitôt que la cloche sonnera minuit, attendez-vous à me voir à la porte de votre chambre. »

« À ces mots il partit, me laissant stupéfait du tour mystérieux de ses manières et de sa conversation. Sa promesse que je serais bientôt délivré des visites du fantôme produisit un bon effet sur ma constitution. Théodore, que je traitais plutôt comme un fils adoptif que comme un domestique, fut surpris à son tour de me voir meilleure mine. Il me félicita sur ce symptôme de rétablissement, et exprima sa joie de tout le bien que m’avait fait ma conférence avec le grand Mogol. Sur ma demande, j’appris que l’étranger avait déjà passé huit jours à Ratisbonne. D’après son propre calcul, il n’avait donc plus que six jours à y rester. Ce n’était que dans trois que nous devions être à samedi. Oh ! avec quelle impatience j’en attendis la venue ! Dans l’intervalle, la nonne sanglante continua