Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/22

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regards, vous n’avez aucune raison de prendre ainsi l’alarme. Bienheureuse Marie ! que d’embarras pour la figure d’une enfant ! Allons, allons, petite fille ! découvrez-la. Je vous garantis que personne ne vous l’emportera. »

« Chère tante, ce n’est pas l’usage en Murcie. »

« En Murcie, vraiment ! Sainte Barbara ! qu’importe ? Vous êtes toujours à me rappeler cette infâme province. C’est l’usage à Madrid, c’est là tout ce qui doit nous occuper. Je vous prie donc d’ôter votre voile à l’instant même : obéissez-moi tout de suite, Antonia ; vous savez que je ne peux pas souffrir qu’on raisonne. »

La nièce se tut, mais elle ne mit plus obstacle aux tentatives de Lorenzo, qui, fort de l’approbation de la tante, se hâta d’écarter la gaze. Quelle tête de séraphin se présenta à son admiration ! Cependant elle était plus séduisante que belle ; le charme était moins dans la régularité du visage, que dans la douceur et la sensibilité de la physionomie. À les détailler, ses traits, pour la plupart, étaient loin d’être parfaits ; mais l’ensemble en était adorable. Sa peau, quoique blanche, n’était pas sans quelques taches ; ses yeux n’étaient pas très grands, ni ses paupières remarquablement longues. Mais aussi ses lèvres avaient toute la fraîcheur de la rose : son cou, sa main, son bras, étaient admirables de proportions ; ses paisibles yeux bleus avaient toute la douceur du ciel, et leur cristal étincelait de tout l’éclat des diamants. Elle paraissait âgée d’à peine quinze ans. Un malin sourire qui se jouait sur ses lèvres, annonçait en elle une vivacité qu’une timidité excessive comprimait encore. Ses regards étaient pleins d’un embarras modeste, et chaque fois qu’ils rencontraient par hasard ceux de Lorenzo, elle les baissait aussitôt ; ses joues se couvraient de rougeur, et elle se mettait a dire son chapelet, quoique sa contenance