Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/232

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sît pas mieux que la première, il proposa de reconnaître le couvent. Les amis s’en approchèrent ; tout était sombre et paisible. La supérieure tenait à ce que cette histoire restât secrète, de peur que le crime d’un de ses membres ne couvrît de honte toute la communauté, ou que l’intervention d’une famille puissante n’arrêtât les vengeances dont elle menaçait sa victime. Elle eut donc soin de ne donner à l’amant d’Agnès aucun motif de supposer que son dessein eût été découvert et que sa maîtresse fût sur le point d’être punie. La même raison lui fit rejeter l’idée d’arrêter dans le jardin ce séducteur inconnu ; une telle démarche causerait beaucoup de désordre, et il ne serait bruit dans Madrid que de la honte de son couvent. Elle se contenta d’enfermer Agnès étroitement ; quant à l’amant, elle le laissa libre de suivre son projet. Le résultat fut celui qu’elle prévoyait : le marquis et Lorenzo attendirent vainement jusqu’au jour ; puis ils se retirèrent sans bruit, alarmés de voir leur plan échouer et incapables d’en deviner la cause.

Le lendemain matin, Lorenzo alla au couvent et demanda à voir sa sœur. L’abbesse se présenta à la grille la tristesse sur le visage. Elle lui apprit que depuis plusieurs jours Agnès avait paru fort agitée, qu’en vain les nonnes l’avaient pressée de dire ce qu’elle avait, de s’adresser à leur tendresse si elle avait besoin d’avis et de consolations : elle s’était obstinée à taire la cause de son chagrin ; mais, dans la soirée de jeudi, l’effet en avait été si violent qu’elle était tombée malade et qu’à présent elle était retenue au lit. Lorenzo n’en crut pas une syllabe : il insista pour voir sa sœur ; si elle était hors d’état de venir à la grille, il demandait à être admis dans sa cellule. L’abbesse fit le signe de la croix ; elle fut choquée de l’idée que l’œil profane d’un homme pénétrerait