Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/245

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flexion le convainquit que cette assertion était fausse, et le rendit à lui-même.

« Vous me trompez, » dit-il avec emportement : « il n’y a que cinq minutes, vous m’assuriez qu’elle était encore en vie, quoique bien malade. Produisez-la à l’instant même ; je veux la voir, je dois la voir : tous vos efforts pour la retenir seront inutiles. »

« Vous vous oubliez, señor : vous devez du respect à mon âge aussi bien qu’à ma profession. Votre sœur n’est plus. Si d’abord je vous ai caché sa mort, c’était dans la crainte qu’un événement si inattendu ne produisît sur vous un effet trop violent : en vérité, je suis bien mal payée de mon attention. Et quel intérêt, je vous prie, aurais-je à la garder ? connaître son désir de quitter notre société est une raison suffisante pour moi de désirer son départ et de la regarder comme indigne du nom de sœur de Sainte-Claire : mais elle a trompé mon affection d’une manière encore plus coupable. Ses crimes ont été grands ; et quand vous saurez la cause de sa mort, à coup sûr, don Lorenzo, vous vous féliciterez que cette malheureuse n’existe plus. Elle est tombée malade jeudi dernier après avoir été à confesse dans la chapelle des Capucins : sa maladie était accompagnée d’étranges symptômes ; mais elle persistait à en taire la cause. Grâce à la Vierge, nous étions trop ignorantes pour la deviner. Jugez donc de notre consternation, de notre horreur, lorsqu’elle est accouchée le lendemain d’un enfant mort-né, qu’elle a immédiatement suivi dans la tombe. Eh quoi ! seigneur, votre visage n’exprime aucune surprise, aucune indignation ! Est-il possible ? l’infamie de votre sœur vous était connue, et vous lui conserviez votre affection ? En ce cas, vous n’aviez pas besoin de ma pitié. Je ne puis que vous répéter l’impossibilité où je suis d’obéir aux ordres de sa