Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/27

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syllabe de remerciements, ni bonne, ni mauvaise ! »

« Ma chère tante, je sens que — »

« Fi donc ! ma nièce, que de fois je vous ai dit qu’il ne fallait jamais interrompre une personne qui parle ! quand m’avez-vous vue faire une pareille chose ? Sont-ce là vos manières de Murcie ? Miséricorde ! jamais je ne ferai de cette fille-là rien qui ressemble à une personne bien élevée. Mais je vous prie, señor, » continua-t-elle en s’adressant à don Christoval, « apprenez-moi pourquoi il y a tant de monde aujourd’hui dans cette cathédrale. »

« Est-il possible que vous ignoriez qu’Ambrosio, le prieur de ce monastère, prononce ici un sermon tous les jeudis ? Madrid entier retentit de ses louanges. Il n’a encore prêché que trois fois ; mais tous ceux qui l’ont entendu sont tellement ravis de son éloquence, qu’il est aussi difficile de se procurer des places à l’église qu’à la première représentation d’une nouvelle comédie. Sa réputation a dû certainement parvenir jusqu’à vous. »

« Hélas ! señor, jusqu’à hier je n’avais pas eu le bonheur de voir Madrid ; et à Cordoue nous sommes si peu informés de ce qui se passe dans le reste du monde, que jamais le nom d’Ambrosio n’a été prononcé dans ses murs. »

« Vous le trouverez ici dans toutes les bouches. Ce moine semble avoir fasciné tous les habitants ; et n’ayant point moi-même assisté à ses sermons, je suis étonné de l’enthousiasme qu’il excite. Jeune et vieux, homme et femme, c’est une adoration générale et sans exemple. Nos grands l’accablent de présents ; leurs femmes refusent tout autre confesseur, et il est connu par toute la ville sous le nom de l’homme de Dieu. »

« Je ne vous demande pas, señor, s’il est de noble origine ? »