Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/33

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penchant l’y pousserait. Mais à présent que les devoirs de sa position vont l’obliger d’entrer de temps à autre dans le monde, et le jeter sur la voie de la tentation, c’est à présent qu’il aura à montrer sa vertu dans tout son éclat. L’épreuve est dangereuse ; il est précisément à cette époque de la vie où les passions sont Le plus violentes, le plus indomptées, plus despotiques. Sa réputation le désignera aux séductions comme une victime illustre ; la nouveauté ajoutera ses charmes aux entraînements du plaisir : et les talents même dont la nature l’a doué contribueront à sa ruine, en lui facilitant les moyens de satisfaire ses désirs. Bien peu de gens reviendraient vainqueurs d’une lutte si périlleuse. »

« Oh ! si restreint qu’en soit le nombre, Ambrosio en sera certainement. »

« Je n’en doute pas non plus : sous tous les rapports, il fait exception parmi les hommes, et l’envie chercherait en vain une tache sur sa réputation. »

« Vous me ravissez, señor, en me donnant cette assurance ! elle m’encourage à m’abandonner à la prévention favorable qu’il m’inspire, et vous ne savez pas quelle peine j’aurais eue à réprimer ce sentiment ! Ah ! très chère tante, engagez ma mère à le choisir pour notre confesseur. »

« Moi, l’y engager ! » répliqua Léonella ; « je vous promets que je n’en ferai rien. Je ne l’aime pas du tout, votre Ambrosio ; il a une mine sévère qui m’a fait trembler de la tête aux pieds. S’il était mon confesseur, je n’aurais jamais le courage de lui avouer la moitié de mes peccadilles, et alors je serais dans une jolie position ! Je n’ai jamais vu mortel avoir l’air si rigide, et j’espère bien ne pas voir son pareil de ma vie. Son portrait du diable, Dieu nous bénisse ! a failli me rendre folle de frayeur,