Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/48

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Protégée par mes sortilèges, je m’aventure impunément aux lieux où les sorcières tiennent leur sabbat étrange ; j’entre sans crainte dans le cercle du magicien, et je marche sans blessure sur les serpents endormis.

Tenez ! voici des enchantements d’une merveilleuse puissance ! Celui-ci garantit la loi d’un mari ; et celui-ci, composé à l’heure de minuit, forcera le plus froid jeune homme à aimer.

S’il est une fille qui ait trop accordé, ce philtre réparera sa perte. Celui-ci fleurit la joue où le rouge manque, et celui-ci rendra blanc le teint de la brune.

Écoutez donc en silence, tandis que je dévoile ce que je vois dans le miroir de la fortune ; et chacune, quand bien des années auront passé, reconnaîtra la vérité des prédictions de la bohémienne.

« Chère tante ! » dit Antonia, quand l’étrangère eut fini, « n’est-ce pas une folle ? »

« Une folle ? Non pas ma fille : « c’est seulement une réprouvée. C’est une bohémienne, espèce d’aventurière, dont la seule occupation est de courir le pays, en disant des mensonges, et en escamotant honnêtement l’argent de ceux qui rapprochent. Fi d’une telle vermine ! si j’étais roi d’Espagne, toutes celles qui ne seraient pas sorties de mes états dans un délai de trois semaines, je les ferais brûler vives. »

Ces paroles furent prononcées si haut, qu’elles parvinrent aux oreilles de la bohémienne. Elle perça immédiatement la foule, et s’avança vers les deux dames. Elle les salua trois fois à la manière orientale, puis elle s’adressa à Antonia.

LA BOHÉMIENNE.

« Dame, gentille dame ! sachez que je puis vous apprendre votre future destinée ; donnez votre main, et ne craignez rien ; dame, gentille dame ! écoutez ! »