Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/50

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et accabla la maligne donneuse d’avis des plus amers reproches. La prophétesse basanée l’écouta quelque temps avec un sourire dédaigneux ; enfin elle fit une courte réponse, et puis elle se tourna vers Antonia.

LA BOHÉMIENNE.

« Paix, dame ! ce que j’ai dit est vrai ; et maintenant, à vous, mon aimable fille : donnez-moi votre main, et laissez-moi voir votre sort futur, et le décret du ciel. »

À l’exemple de Léonella, Antonia retira son gant, et présenta sa blanche main à la bohémienne, qui, l’ayant contemplée quelque temps avec une expression de pitié et d’étonnement, prononça son oracle en ces termes :

LA BOHÉMIENNE.

« Jésus ! quelle main vois-je là ! Chaste et douce, jeune et belle, accomplie de corps et d’esprit, vous feriez le bonheur de quelque honnête homme ; mais, hélas ! cette ligne me découvre que la destruction plane sur vous : un homme libertin et un démon rusé travailleront de concert à vous perdre ; et, chassée de la terre par les chagrins, bientôt votre âme prendra son vol vers les cieux. Cependant, pour différer vos souffrances, retenez bien ce que je dis. Quand vous verrez quelqu’un de plus vertueux qu’il n’appartient à l’homme de l’être, quelqu’un qui, exempt de crimes, n’aura point pitié des faiblesses de son prochain, rappelez-vous les paroles de la bohémienne : quoiqu’il paraisse bon et aimable, de belles apparences cachent souvent des cœurs gonflés de luxure et d’orgueil.

« Charmante fille, je vous quitte les larmes aux yeux ! Que ma prédiction ne vous afflige pas : courbez plutôt une tête soumise ; attendez avec calme le malheur qui vous menace, et espérez le bonheur éternel dans un monde meilleur que celui-ci. »

Ayant dit, la bohémienne tourna de nouveau trois fois