Page:Lewis - Le Moine, Tome 2, trad Wailly, 1840.djvu/170

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CHAPITRE XI

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Grand Dieu ! comme tu l’as fait fragile, l’homme, ta créature ! Comme il se trahit lui-même sans le savoir ! Pour notre malheur, trop confiants dans nos forces, trop insouciants des puissances ennemies, nous errons nonchalamment sur les bords fleuris du plaisir, maîtres encore de revenir sur nos pas, jusqu’à ce que les vents impétueux de la passion déchaînée s’élèvent, jusqu’à ce que la tempête furieuse confonde la terre et les cieux, et qu’entraînés rapidement sur l’océan sans bornes, nous déplorions trop tard notre folle sécurité ; qu’autour de nos têtes condamnées les vagues s’entrechoquent, et qu’à notre vue troublée la terre diminue et s’éloigne.
Prior.
Séparateur


Ambrosio, cependant, ne se doutait pas des scènes effrayantes qui se passaient si près de lui. L’exécution de ses desseins sur Antonia absorbait toutes ses pensées. Jusqu’alors il était satisfait du succès de son plan. Antonia avait bu le narcotique, elle était enterrée dans les caveaux de Sainte-Claire, et entièrement à sa disposition. Mathilde, qui connaissait bien la nature et les effets du breuvage soporifique, avait calculé qu’il ne cesserait d’opérer qu’à une heure du matin.

Il attendait ce moment avec impatience. La fête de sainte Claire lui fournissait une occasion favorable de consommer son crime. Il était certain que les moines et les