Le moine tressaillit, et leva ses yeux mélancoliques. Mathilde était devant lui : elle avait quitté son costume religieux ; elle portait un habit de femme à la fois élégant et splendide. Sa robe était tout étincelante de diamants, et ses cheveux étaient enfermés dans une couronne de roses ; sa main droite tenait un petit livre : une vive expression de plaisir brillait sur son visage — pourtant il s’y mêlait une farouche et impérieuse majesté qui inspira de la crainte au moine, et réprima jusqu’à un certain point la joie de la voir.
« Vous ici, Mathilde ? » s’écria-t-il enfin. « Comment avez-vous fait pour entrer ? où sont vos chaînes ? que signifient cette magnificence et l’allégresse qui brille dans vos yeux ? nos juges sont-ils apaisés ? ai-je une chance de salut ? Répondez-moi, par pitié, et dites-moi ce que j’ai à espérer ou à craindre. »
« Ambrosio ! » répliqua-t-elle d’un air d’imposante dignité, « j’ai trompé la fureur de l’inquisition, je suis libre ; peu d’instants vont mettre des royaumes entre ces cachots et moi : mais j’achète ma liberté à un prix coûteux, effrayant ! ce prix, osez-vous le payer, Ambrosio ? osez-vous franchir sans crainte les limites qui séparent l’homme de l’ange ? — Vous vous taisez — vous me regardez d’un œil soupçonneux et alarmé — je lis vos pensées, et je les confesse justes. Oui, Ambrosio, j’ai tout sacrifié pour la vie et la liberté : je n’aspire plus au ciel ! j’ai renoncé au service de Dieu, et me suis enrôlée sous la bannière de ses ennemis : il n’y a plus à s’en dédire ; mais quand je pourrais reculer, je ne le voudrais pas. Oh ! mon ami, expirer dans de tels tourments ! mourir au milieu des malédictions et des cris de haine ! supporter les insultes d’une populace exaspérée ! être exposé à toutes les mortifications de la honte et de l’infamie ! qui peut