« Elle m’en a fait réellement, mon enfant ; il m’a calmé l’esprit sur plusieurs points qui m’agitaient, et je sens déjà les effets de sa visite : mes yeux s’appesantissent, et je crois que je pourrai dormir un peu. Tirez les rideaux, mon Antonia ; mais si je ne m’éveillais pas avant minuit, ne restez point auprès de moi ; je vous le recommande. »
Antonia promit de lui obéir ; et ayant reçu sa bénédiction, elle tira les rideaux du lit. Alors elle s’assit en silence devant son métier à broder, et pour tuer le temps se mit à bâtir des châteaux en l’air. Elle avait repris courage en voyant l’évidente amélioration de l’état d’Elvire, et son imagination lui présentait d’agréables et brillantes visions ; dans ces rêves, Ambrosio ne faisait pas une médiocre figure ; elle pensait à lui avec joie et reconnaissance ; mais pour chaque idée que le moine obtenait en partage, elle en accordait, sans le savoir, au moins le double à Lorenzo. Ainsi s’écoulèrent les heures jusqu’à ce que l’horloge de la cathédrale des Capucins annonçât au voisinage qu’il était minuit. Antonia se souvint des ordres de sa mère, et y obéit quoiqu’à regret. Elle ouvrit les rideaux avec précaution : Elvire jouissait d’un profond et paisible sommeil ; les couleurs vives de la santé avaient reparu sur ses joues ; et en se penchant sur elle, Antonia crut l’entendre prononcer son nom. Elle baisa doucement le front de sa mère, et se retira dans sa chambre : là, elle s’agenouilla devant une statue de sainte Rosalie, sa patronne ; elle se recommanda à la protection du ciel, et, ainsi qu’elle avait coutume de le faire depuis son enfance, elle termina ses dévotions en chantant les stances suivantes :