Page:Lewis - Le Moine, Tome 2, trad Wailly, 1840.djvu/76

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s’occupe à faire tomber les jeunes filles dans ses pièges : ce qu’il fait d’elles, quand il les attrape dans l’eau, révérendes dames, je vous le laisse à deviner. Le roi du feu paraît être un homme tout composé de flammes : il fait lever les météores et les lueurs errantes qui attirent les voyageurs dans les marais et les fondrières, et il dirige les éclairs où ils peuvent faire le plus de mal. Le dernier de ces démons élémentaires s’appelle le roi des nuages : son extérieur est celui d’un beau jeune homme, et on le distingue à ses deux grandes ailes noires : quoique si ravissant d’aspect, il n’a pas du tout de meilleures inclinations que les autres ; il ne passe son temps qu’à soulever des tempêtes, à déraciner les forêts, à renverser les châteaux et les couvents sur la tête de leurs habitants. Le premier a une fille, qui est reine des lutins et des farfadets ; le second a une mère, qui est une puissante enchanteresse : aucune de ces dames ne vaut mieux que les messieurs. Je ne me souviens pas d’avoir entendu dire que les deux autres démons eussent des parents ; mais pour l’instant je n’ai affaire qu’à celui des eaux : c’est le héros de ma ballade, et j’ai cru nécessaire de vous donner quelques renseignements sur lui avant de commencer. »

Théodore alors joua de courts préludes, après lesquels, donnant à sa voix toute l’étendue possible pour qu’elle arrivât jusqu’aux oreilles d’Agnès, il chanta les stances suivantes.

LE ROI DES EAUX.
BALLADE DANOISE.

L’onde coulait avec un doux murmure, tandis que sur la rive odorante et fleurie la jolie fille, avec de gaies chansons, suivait sa route vers l’église de Marie.

L’œil mauvais du démon des eaux la vit qui passait sur la