Page:Libertad - Légende de Noël, paru dans Le Libertaire, 24-30 décembre 1899.djvu/10

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Elle entra en coup de vent, dans un magasin où s’étalait le pain doré sous toutes ses formes. Des servantes qui s’empressaient près des bien-vêtus, la dévisagèrent soupçonneusement : « Une livre de pain, s’il vous plaît. » Car le pain, chers enfants, cette indispensable nourriture, se vendait ainsi que tout. On la servit et, heureuse d’avoir du pain à elle, la pauvresse, elle jeta la pièce sur le comptoir. Elle rendit un son mat… Une voix méchante disait : « fausse, il faut pas nous la faire, ma petite. » Des mains brutales lui arrachaient le pain et la poussaient dehors.

Elle comprit : elle avait été volée, trompée. Le sacrifice dernier de la mère pour l’enfant avait été inutile. Des injures venaient à sa bouche contre le goulu qui avait mangé sa chair, respiré sa jeunesse, sans vouloir lui laisser une bride de son bien-être.