Page:Lichtenberger - La Philosophie de Nietzsche.djvu/107

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groupe d’hommes des êtres dégénérés ou méprisables, en telle théorie ou telle croyance un principe morbide. Je les combats donc comme on combat un fléau naturel ou une maladie. S’il est vrai que je représente un principe de vie et mes adversaires un principe de mort, la victoire doit fatalement me revenir ; dans le cas contraire, c’est moi qui, non moins fatalement, succomberai. Et comme je ne veux qu’une seule chose, le triomphe de la vie, je pourrai me réjouir de mes victoires comme de mes défaites. Tout le reste est très indifférent. » — N’est-il pas imprudent, dans ces conditions, de construire un « système » de Nietzsche, comme on construirait un « système » de Kant ou de Schopenhauer, alors que la vérité logique tenait une si petite place dans les préoccupations de notre philosophe ?

Si je me suis décidé cependant, au lieu d’examiner une à une les œuvres de Nietzsche, à donner un aperçu général des principaux problèmes qu’il traite et des solutions qu’il leur donne, c’est, tout d’abord, parce que Nietzsche est revenu à diverses reprises sur les mêmes questions, indiquant d’abord sommairement un problème, puis le reprenant, le creusant, l’approfondissant jusqu’au moment où il lui a donné sa solution définitive. Analyser un à un ses ouvrages c’était donc s’exposer à recommencer indéfiniment l’exposition des mêmes sujets. — De plus, et c’est là la raison qui me parait la plus importante, — si Nietzsche prise peu la logique et s’il ne s’attache pas à chercher la vérité en soi, cela ne veut pas dire du tout que sa pensée ait été décousue et illogique — loin de là. Je suis persuadé au contraire que Nietzsche a très réellement conçu un système fort bien lié dans toutes ses parties et que, s’il ne l’a jamais exposé sous une forme systématique c’est surtout parce que son état de santé l’a obligé a rendre sa pensée sous forme d’aphorismes qu’il pouvait rédiger de tête, en se promenant, et sans écrire, tandis