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100 TANNHAUSER

« Soyez le bienvenu, Tannhâuser! vous êtes resté longtemps absent; soyez le bienvenu, ô mon doux seigneur, mon amant fidèle. » « Et, quand vint le troisième jour, le bâton se prit à reverdir. Alors le pape envoya partons pays savoir où était allé Tannhâuser. « Mais il était rentré dans la montagne, auprès de la dame de son cœur. C'est pourquoi le pape Urbain sera damné à tout jamais (i). » On voit clairement la tendance de ce récit si émouvant dans sa naïve simplicité. Le vieux poète est un chrétien convaincu et fervent ; il déteste du fond de l'âme le péché de luxure où est tombé Tannhâuser ; mais il blâme tout autant la dureté impitoyable de l'ascétisme dominicain. La conclusion de son poème, c'est de montrer que la loi suprême du christianisme est l'amour et la charité, que tout péché peut être effacé par un repentir sincère ; le pape lui-même est damné pour avoir péché contre la loi d'amour et reconnaît, mais trop tard, en voyant refleurir entre ses mains le bâton desséché, qu'il est téméraire et impie d'assigner des limites à la miséricorde divine. Wagner connut dès sa jeunesse la légende de Tannhâuser par un conte romantique de Tieck qui, tout en amusant son imagination, lui déplut par son ton à la fois mystique, coquet et frivole et ne stimula pas sa verve poétique (2). C'est pendant son séjour à Paris seulement que la romance populaire de Tannhâuser lui tomba entre les mains et le remplit aussitôt d'enthousiasme. Il se trouvait cette fois non plus en face d'un sujet historique

(1) Alte hoch- und niederdeutsche Volkslieder hgg. v. L. Uhland, n° 279 (2) Ges. Sclir. IV, 269. Le litre de la nouvelle de Tieck est: Der getreue Eckart und der Tannenhäuser; elle se trouve daus les Romanlische Dichtungen (1799)1. I, p. 423 ss.