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60 WAGNER A PARIS

magne, lui sembla de beaucoup inférieure à la musique française elle-même ; il prit en haine les fameux virtuoses du chant, surtout l'illustre Rubini qui était alors l'idole du public parisien. Et il arriva à cette conclusion que l'art à Paris était traité sans sérieux, sans respect ; que les compositeurs cherchaient à remplir leur poche, les artistes à briller pour leur propre compte au lieu d'interpréter loyalement les œuvres des musiciens ; que le public enfin, subissant la contagion délétère de ce milieu corrompu, avait perdu toute notion sérieuse de l'art et ne trouvait plus plaisir qu'à suivre les tours de force des virtuoses ou à contempler les splendeurs d'une mise en scène luxueuse. Alors, dans cette cohue parisienne, où il se sentait esseulé et incompris, dans ce monde brillant, intelligent et léger, qui froissait ses convictions les plus sacrées par son dilettantisme sceptique en matière d'art et qui ne comprenait pas grand chose, de son côté, à la conscience artistique et au génie créateur du jeune étranger, Wagner sentit refleurir en son âme, plus ardent que jamais, l'amour de la grande musique allemande. Après avoir subi les séductions de l'art sensuel et profane de la France et de l'Italie, il revenait, humilié et contrit, au culte de Beethoven, le dieu de sa jeunesse, qu'il avait un instant renié au début de sa carrière de compositeur. Aux concerts du Conservatoire, il écouta avec un ravissement presque religieux les œuvres symphoniques du maître, et surtout la symphonie avec chœurs dont Habeneck, à la tête de son merveilleux orchestre, lui révéla, le premier, toute la sublime beauté. Le courage lui revint. La musique fut, comme il le dit (1), son bon ange qui le consola aux heures de misère et de

(l)Ges. Schr. IV, 263 s. cf. /, 180 sa.