Page:Lichtenberger - Richard Wagner, poète et penseur, 1907.djvu/93

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LES CARACTÈRES DANS LE VAISSEAU-FANTÔME 83

le Hollandais volant à côté d'inconleslables beautés, présente-t-il encore des défauts très apparents et qui ne se retrouveront plus dans les œuvres suivantes. Le premier défaut que Wagner lui-même reconnaissait à son œuvre et qu'il signalait dans sa Communication à mes amis (i), c'est que les physionomies de tous les personnages manquent encore de netteté et de précision ; le dessin en est vague, un peu flou. Cette imperfection apparaît très vivement dès que l'on compare les personnages du Vaisseau-fantôme à ceux des œuvres postérieures de Wagner. Dans ses drames d'après 1848, Wagner saura dessiner de main de maître des figures esquissées à grands traits, mais singulièrement vivantes, plastiques et expressives, comme ces personnages aux contours simplifiés des grandes compositions de Puvis de Chavannes ; que l'on veuille bien songer, par exemple, à la Walküre Brûnnhilde, au jeune et triomphant Siegfried, au cordonnier-poète Hans Sachs, ou encore à Parsifal, le simple au cœur pur, qui, par la pitié, s'élève jusqu'à la sainteté. Il est hors de doute qu'on ne voit pas avec la même précision les personnages du Vaisseau-fantôme ; on ne perçoit que vaguement leur physionomie extérieure ; on a de la peine souvent à bien discerner les traits de leur physionomie morale. Le fiancé de Senta, le chasseur Erik, n'est qu'une pâle silhouette sans traits bien caractéristiques : les amies de Senta l'annoncent comme un jaloux ; en réalité, dans les deux scènes où il paraît, il ne sait que se plaindre sans jamais avoir l'énergie de disputer sérieusement sa fiancée au mystérieux étranger ; c'est à ce point qu'on a peine à se persuader de son amour pour Senta, tant cet amour se montre peu agissant et peu persuasif. La figure

(1) Ges. Schr. IV, 267 cf, 319.