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Les Bestiaux. Chameau.

L’eſpèce eſt élevée en état de domeſticité dans tout l’Orient, en Afrique, aux Îles même de la Jamaïque & des Barbades, & produit de nombreuſes variétés ; il eſt d’un naturel doux, ſinon au tems du rut ; ſa grande utilité eſt connue pour les voyages, le tranſport des fardeaux dans ces déſerts ſablonneux, dans ces plaines arides (ſur leſquelles l’œil s’étend & le regard ſe perd ſans pouvoir s’arrêter ſur aucun objet vivant. Auſſi les Arabes le regardent comme un préſent du ciel, un animal ſacré ſans le ſecours duquel ils ne pourraient ni ſubſiſter ni commercer ni voyager. Buffon) Il ſait porter juſqu’à douze cens livres péſant ; il ſe hâte avec lenteur, ne parcourt en une traite que ſon eſpace accoutumé, & ne ſe laiſſe charger que de ſon poids ordinaire ; il ſouffre très-patiemment la faim, ſait ſe priver de boire pendant pluſieurs jours, & ſe contente pour ſa nourriture des plantes les plus épineuſes des deſerts, que rebuteroient tous les autres animaux. Son poil eſt une toiſon excellente, (fine & moëlleuſe, qui ſe renouvelle tous les ans par une mue complette, dont on fait des étoffes fort fines, & des chapeaux en le mêlant avec le caſtor.) Les Arabes trouvent ſa chair très-bonne, ſon lait fait leur nourriture ordinaire.

Poils doux, d’un roux-cendré, plus longs ſur le cou & ſur la boſſe du dos ; hauteur de ſix pieds & demi ; tête petite ; oreilles courtes ; bouche & gencives couvertes d’un cartilage ; cou long mince, courbé ; pieds fourchus ; quatre calloſités aux jambes antérieures, deux aux poſtérieures ; queue plus courte que les pieds ; une ſeule calloſité à la poitrine ; un eſtomac particulier ſervant de reſervoir pour conſerver de l’eau qui y ſejourne ſans ſe corrompre & ſans que les autres alimens s’y mêlent.[1] C’eſt le chameau d’Arabie des anciens.

  1. Il eſt d’une capacité aſſez vaſte pour contenir une grande quantité de liqueur, & lorſque l’animal eſt preſſé par la ſoif & qu’il a beſoin de délayer les nourritures ſéches & de les macerer par la rumination, il fait remonter dans ſa panſe & juſqu’à l’œſophage une partie de cette eau par une ſimple contraction des muſcles. C’eſt en vertu de cette conformation très-ſingulière que le chameau peut ſe paſſer pluſieurs jours de boire & qu’il prend en une ſeule fois une prodigieuſe quantité d’eau qui demeure ſaine & limpide dans ce réſervoir. Buffon.