Page:Lintier - Ma pièce, 1917.djvu/106

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la batterie, j’ai honte de trembler. Il se passe en moi quelques secondes de drame furieux, confus. Puis, il me semble que je m’éveille d’un engourdissement de fièvre, plein d’horribles cauchemars. Je n’ai plus peur. Et, lorsque je m’abrite à nouveau, n’ayant rien d’autre à faire, puisque nous ne tirons pas, l’instinct a cédé. Je ne tremble plus.

Une odeur infecte remplit le fossé. Je grogne :

— Bon Dieu ! ça pue là dedans !

Astruc est installé au plus creux. D’une voix qui semble sortir de terre, il me répond :

— T’en fais pas, mon vieux ! C’est moi qui suis dans une m…, mais je ne céderais pas ma place pour vingt francs.

Quelques fantassins franchissent la crête, battant en retraite. Le bruit des mitrailleuses se fait plus proche. On l’entend à présent, très net, malgré les éclats du canon.

L’ennemi avance, nos lignes plient.

Sur nous le feu des batteries allemandes s’espace. Des compagnies entières d’infanterie se retirent.

Nos officiers confèrent :

— Mais qu’est-ce que vous voulez… pas d’ordres, pas d’ordres, répète le commandant.

Et l’on attend encore. Le grand lieutenant a mis revolver au poing. Les servants arment leurs mousquetons. L’artillerie allemande, qui craint peut--