Page:Lintier - Ma pièce, 1917.djvu/130

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le feu sur les côtes que nous occupons et sur un bois voisin. Il est temps de changer de position, car le moment le plus périlleux pour nous est celui où les attelages viennent chercher les pièces. Une batterie est alors extrêmement vulnérable.

Sans attendre que le tir de l’ennemi soit réglé, sur l’ordre du commandant, nous allons nous établir dans une cuvette du plateau. Alentour, s’étend, sur de grands champs plats, le hérissement infini des chaumes. À gauche seulement, des peupliers bordent une route, tracent une ligne de verdure sur la campagne nue. Devant nous, et derrière nous, s’ouvrent des tranchées vides. Marville brûle toujours. La fumée salit tout l’horizon de l’est. Le soleil est haut ; sur les chaumes, la lumière est éblouissante. Nous souffrons de la chaleur et de la soif. Le vacarme de la bataille ne fait que croître.

Le capitaine a aperçu, au pied de lointaines collines toutes bleues encore de brouillard sur l’horizon du sud-est, une colonne d’artillerie ou un convoi et de grandes masses d’hommes en marche. Sont-ce des troupes françaises ? Est-ce l’ennemi ? Le capitaine l’ignore. La brume, l’éloignement empêchent de reconnaître les uniformes.

— On ne peut pas tirer, dit-il, si ce sont des Français !