Page:Lintier - Ma pièce, 1917.djvu/135

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y a à dire sur un obus qui est tombé, et sur un homme qui est mort !…

Encore une défaite ! Comme en 1870 ! Comme en 1870 ! C’est la pensée qui nous obsède et nous étreint.

— Ils sont rudement forts ! Regarde ça ! me dit Déprez, en étendant le bras vers ce plateau où, jusqu’à l’horizon, fourmille l’infanterie française en retraite. Latour, six heures de combat ; aujourd’hui guère plus. Encore battus ! Malheur !

Nous nous sentons de la rage contre ceux qui ont plié. Nous sommes bien restés près de l’arbre en boule, nous, samedi dernier !

Au loin, vers Marville, des colonnes d’artillerie s’allongent sur les champs ras. Un escadron bleu et rouge lève de la poussière. Fluctuations de l’infanterie, décroissantes, mais sensibles, jusqu’à l’horizon, poussières de cavalerie, lignes noires d’artillerie. Il fait un grand soleil. Toute canonnade, tout bruit s’est tu. La terre, sèche et chaude, exhale une vapeur qui confond ce grand mouvement d’hommes. On dirait que le plateau tout entier s’est mis en marche.


À Remoiville, un beau château, du début de la Renaissance, dresse ses hautes terrasses, ses corps de bâtiment aux grandes lignes sobres, où flotte un drapeau blanc à croix rouge. Dans le village,